PME Magazine, juin 2002
"Strat�gie"
Mes collaborateurs sont des d�tecteurs d'opportunit�s.

La confiance compl�t�e par une formation sp�cifique repr�sente un puissant outil de motivation et de dynamisation des ressources humaines

L'amnistie fiscale italienne sentait le brûlé pour de nombreuses banques suisses qui s'inquiétaient de voir des fonds, confortablement parqués en Suisse, céder à la tentation des sirènes. N'allaient-elles pas prendre le chemin du retour vers la péninsule ? Les établissements tessinois étaient particulièrement exposées à cette fuite potentielle de capitaux. Face à cette menace qui pourrait se traduire par une réduction significative de revenus, se pose bien sûr la question de savoir quelle réponse stratégique apporter.

Certains sont restés tétanisés et se sont, dans le meilleur des cas, contentés de prier; d'autres ont choisi de traiter cette nouvelle donne comme une opportunité. Parmi ces derniers, il y en a qui ont profité de l'occasion pour développer leur activité " on-shore " en Italie (soit la gestion de fonds déclarés par opposition à ceux " off-shore " qui ne le sont pas). Moralité : une même circonstance est perçue comme une menace pour les uns et une opportunité pour les autres.

Mais pour saisir les opportunités, encore faut-il les identifier. Les personnes souvent les mieux placées pour le faire sont les acteurs sur le terrain. La direction est souvent handicapée à cet égard car elle est généralement moins en prise avec la réalité du terrain que les collaborateurs qui sont sur le front. Mon père m'a appris, il y a longtemps, que les affaires ne se font pas derrière un bureau mais lorsqu'on est sur le terrain, c'est à dire en contact avec le reste du monde.

Pour identifier les opportunités, la direction doit choisir entre sortir pour explorer elle-même ou déléguer à ses collaborateurs la mission de repérer les opportunités. Mieux encore : faire les deux en parallèle. Le plus difficile est pourtant de déléguer le radar car cela revient à confier son destin entre les mains d'un autre.

Pour se convaincre de la difficulté, il suffit de chausser ses lattes, de se bander les yeux et de suivre les instructions verbales d'un guide, comme les aveugles qui font du ski. Cela demande une confiance absolue. Pas facile pour un patron de faire autant confiance à ses collaborateurs ! Et pourtant, en restant enfermé dans son bureau, c'est ce qu'il fait car il compte implicitement sur le radar de ses collaborateurs pour savoir ce qui se passe. Le destin du navire est à leur merci.

Pour éviter le sort du Titanic, il vaut donc mieux prendre quelques mesures préventives. Il s'agit d'abord de s'assurer que le radar fonctionne efficacement. C'est là que le " Management by Opportunity " apporte les outils qui permettent non seulement d'identifier les opportunités, mais surtout de les saisir. Cette démarche responsabilise les collaborateurs (= " empowerment ") en leur donnant les moyens de se comporter comme des agents du changement au sein de l'organisation. Elle leur impose de plus de ne saisir que les opportunités qui sont compatibles avec la mission de l'entreprise et qui en respectent les contraintes. C'est d'ailleurs souvent la partie la plus délicate. Car l'innovation peut, si elle n'est pas canalisée, conduire à des déviations coûteuses. Si la direction est convaincue que les collaborateurs ne feront que les choses qui correspondent aux objectifs de l'entreprise, ils peuvent de manière plus sereine les laisser fonctionner de manière autonome.

Il est impressionnant de voir à quel point les collaborateurs apprécient la confiance de leurs supérieurs et à quel point celle-ci les motive. J'en ai récemment fait l'expérience alors que j'animais, il y a quelques semaines, un séminaire sur les outils de motivation et d'innovation. Le chef des participants a osé avouer à ses collaborateurs qu'il ne savait pas comment résoudre un problème. Il leur a même demandé de lui trouver une solution concrète. Le contenu du séminaire a donc été adapté pour que les 25 participants puissent utiliser les techniques de recherche de solution enseignées durant ce séminaire de manière à aider leur chef à résoudre le problème en question. Le chef n'a pas perdu en crédibilité mais, en leur exprimant sa confiance, a au contraire donné un coup de fouet à la motivation.

Soulignons au passage que les collaborateurs estiment toujours un chef qui a l'honnêteté de reconnaître les obstacles auxquels il est confronté. Ils savent à quoi s'en tenir car ils ont compris qu'il ne recourt ni au bluff ni à la langue de bois. Ce chef leur a exprimé sa confiance non seulement en sollicitant leur aide mais aussi en leur en donnant, avec les outils du " Management by Opportunity ", les moyens de montrer ce dont ils étaient capables. Il leur a ainsi transmis un message très simple mais percutant : " Avec ces outils, je m'en remets à vous pour identifier les opportunités et les exploiter. Vous avez ainsi la possibilité de vous réaliser tout en contribuant au développement de l'entreprise ". Le résultat s'est manifesté par un engagement sans réserve de tous les participants. Pour un responsable, c'est sans doute le meilleur moyen de saisir tant les possibilités que les opportunités.

Rapha�l Cohen Consultant et entrepreneur, UniGe

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