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 En ces temps de morosité, les entreprises ont tendance 
à se morfondre. Face aux incertitudes de l'avenir, 
la motivation s'amenuise, étouffant bien souvent toute 
créativité. Pourtant Raphaël H Cohen, entrepreneur 
en série et consultant en intrapreneuriat, considère 
que l'instabilité est créatrice d'opportunités. 
"En période de récession, explique-t-il, 
il y a deux solutions: se replier sur soi ou rebondir face 
à l'adversité en innovant pour sortir du lot." 
Au sein de grandes entreprises, cette dynamique prend le nom 
d'intrapreneuriat et consiste à agir comme un entrepreneur, 
mais dans la société dont on dépend. 
C'est de cette notion encore floue, mais à l'avenir 
sans doute prometteuse, qu'il était question lors du 
First Tuesday organisé ce mois-ci à Genève. 
 
Si, aujourd'hui, Raphaël H Cohen peut prêcher pour 
une politique de changement au sein des entreprises, c'est 
qu'il l'a lui même expérimentée à 
maintes reprises, tant en Suisse qu'à l'étranger. 
Ses multiples expériences ont développé 
son sens de l'essentiel et lui ont permis d'élaborer 
de véritables stratégies, qu'il partage maintenant 
par le biais de ses activités de coaching, de mentoring 
et d'enseignement. Sa recette: le "management by opportunity", 
ou comment stimuler les attitudes et les comportements entreprenants 
au sein des entreprises. Les fondements de ce concept ne sont 
certes pas nouveaux. Depuis longtemps, boîtes à 
idées et centres de suggestions ont trouvé leur 
place dans les grandes et moyennes entreprises. Cependant, 
là où souvent le bât blesse, c'est lors 
de la concrétisation des bonnes intentions de départ. 
Pour pallier cette difficulté, Raphaël H Cohen offre 
dans ses séminaires et dans un certificat de formation 
continue en entrepreneurship organisé pour la deuxième 
année, par HEC Genève, des outils, expérimentés 
et résolument pratiques, pour évaluer et concrétiser 
les projets innovants. "Cette formation, basée 
sur des cas réels d'entrepreneuriat, me fait découvrir 
des méthodes directement applicables sur mon lieu de 
travail", précise Emmanuel Guex, employé 
dans une entreprise suisse d'import-export.  
Anticiper les écueils 
 
Pour pouvoir entreprendre, il faut qu'il y ait une opportunité 
favorable à l'émergence d'une nouvelle idée, 
d'un projet inédit pour l'entreprise. Bien souvent, 
l'espace de créativité existe déjà, 
encore faut-il le repérer. Ensuite, le processus intrapreneurial 
à proprement parler peut se mettre en place. C'est 
là que la boîte à outils proposée 
par le professeur Cohen devient pertinente, car elle contient 
des techniques pour tester la faisabilité d'un projet, 
pour s'assurer de sa compatibilité avec les objectifs 
de l'entreprise, pour planifier sa mise en uvre en utilisant 
toutes les ressources à disposition, et pour obtenir 
le soutien des autres et de la direction. Concrètement, 
pour éviter le délicat problème du rapport 
de force hiérarchique, par exemple, Raphaël H Cohen 
recommande de consulter son supérieur sur la pertinence 
d'un projet, plutôt que de chercher à l'en convaincre. 
Ce dernier se sent ainsi intégré à la 
démarche et n'est pas bousculé dans son autorité. 
 
Toute cette préparation en amont de la concrétisation 
du projet est un point clef pour en assurer le succès. 
"Ainsi, précise l'entrepreneur, contrairement 
à ce que la notion de changement et d'innovation peut 
présupposer, il n'est pas nécessaire d'avoir 
le goût du risque, mais bien de savoir le gérer 
en prévenant les dangers, en limitant les imprévus 
ainsi que les aspects aléatoires." Une fois que 
l'on a navigué brillamment entre les écueils 
internes, le projet a de fortes chances d'être réalisé, 
comme cela a été le cas, à la BCGE, par 
exemple.  
Découvrir son potentiel  
"Poussée par les événements, la 
BCGE a mis en place une procédure intrapreneuriale 
dès l'automne 2000, explique Blaise Goetschin, CEO 
de la banque genevoise. Il était nécessaire 
que nous nous renouvelions, et nous avons choisi de renforcer 
et de professionnaliser notre activité de gestion de 
fortune en proposant un produit novateur. Une année 
plus tard, grâce au travail intensif et conjoint de 
divers secteurs internes, nous mettions sur le marché 
un portefeuille de fonds de placement destiné aux fortunes 
de plus de 100 000 francs." Désormais, la banque 
genevoise cherche à reconduire cette expérience 
positive (690 mandats ont été conclus au 30 
septembre) tant pour l'image de l'établissement que 
pour la motivation des employés. Pour diffuser cette 
politique de changement et l'intégrer à la culture 
de l'entreprise, un séminaire d'intrapreneuriat a été 
organisé. De l'avis des participants, ils y ont non 
seulement appris une méthodologie concrètement 
applicable, mais ils ont surtout redécouvert l'enthousiasme 
de la création et l'incroyable potentiel d'innovation 
qui est le leur.  
Raphaël H Cohen est persuadé que tout le monde 
trouve son compte dans l'intrapreneuriat, dirigeants et employés. 
Les premiers repèrent ainsi les éléments 
les plus à même de participer à la progression 
de l'entreprise, alors que les seconds se sentent impliqués 
et valorisés. Développer un projet à 
l'intérieur d'une entreprise est un processus qui renforce 
la cohésion interne et valorise la notion de collaboration. 
Si la démarche intrapreneuriale s'inscrit dans le long 
terme et qu'elle s'intègre à la culture de l'entreprise, 
elle peut faire la différence, au niveau concurrentiel, 
et permettre à une entreprise d'être plus performante. 
Encore faut-il que la direction fasse l'impasse sur son amour 
propre, accepte de déléguer une part de contrôle 
et offre à ses employés un espace d'innovation 
et de liberté. 
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